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30 AUG 2024

« Malcolm de Chazal, si simple et si complexe »

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Visage emblématique d’une île Maurice qu’il a aimé et idéalisé, qu’il a raconté et peint, Malcolm de Chazal retrouvera dès septembre un second souffle à La Halle Saint Pierre, à Paris, où 200 de ses œuvres seront exposées pendant quatre mois. L’initiative revient à Emmanuel Richon, conservateur du Blue Penny Museum, qui assurera le commissariat de l’expo aux côtés de Martine Lusardy. Il nous partage son pèlerinage chazalien.  

Emmanuel Richon, conservateur du Blue Penny Museum

Revoilà Malcolm de Chazal, que vous exposerez à Paris dès le 11 septembre. Quelle a été la genèse de ce projet ?  

Comme j’avais précédemment relevé le défi d’exposer Picasso puis Matisse à Maurice, j’ai pensé qu’il serait intéressant de faire le chemin inverse jusqu’à Paris, à travers de Chazal à Paris. On l’oublie souvent, mais c’est la France plus que Maurice, où il était souvent incompris, qui a contribué à rendre de Chazal célèbre en réservant un triomphe à Sens-Plastique, ouvrage publié chez Gallimard en 1948. Le critique littéraire Jean Paulhan était tombé des nues en parcourant le manuscrit. Il avait été surpris par la façon dont de Chazal parlait de peinture, par ses pensées, ses métaphores, ses aphorismes... Pour le poète André Breton, de Chazal était un surréaliste qui s’ignorait. Francis Ponge, autre grand poète de l’entre-deux-guerres, l’a lui qualifié de génie. 

 

Gouache sur papier, 77 x 56 cm. Collection Y. Armstrong.

Mais c’est l’écrivain de Chazal qu’ils avaient plébiscité, pas le peintre…  

Justement, le défi de l’exposition, il est là ; il est de faire découvrir cette autre facette. Quand j’étais plus jeune, tout ce que la France comptait d’intellectuels connaissait le poète Malcolm de Chazal, considéré comme une grosse pointure de la littérature française. Avec Sens-Plastique, qui était même étudié au lycée, ils ont eu droit à toute une théorie sur la peinture. Mais, à ce jour, ils ignorent tout de l’artiste. Quand ils verront ses œuvres, certains seront surpris.  

Quatre mois d’expo, deux-cent tableaux… Peut-on parler de gigantisme ? 

La quantité permet une meilleure appréciation et une meilleure compréhension du travail et du style chazalien. C’est le genre d’artiste qu’on ne peut évaluer sur la base d’une seule œuvre. On pourrait se tromper et penser qu’il est un peu naïf. Alors oui, forcément, préparer une expo de 200 tableaux, surtout à l’étranger, requiert une grosse logistique. Il faut penser à tout : le catalogue, la didactique, le lieu, l’adaptation du lieu, les prêteurs, l’empaquetage et l’acheminement des tableaux... 

La responsabilité est lourde, surtout vis-à-vis des prêteurs… 

On en a pour Rs 19 millions de valeur d’assurance. C’est loin des Rs 350 millions de Matisse, mais quand même !   

Vous espérez un grand succès pour cette expo ? 

Je n’ai pas d’attente particulière. Tout ce qui m’importe, c’est que le travail soit bien fait. Le reste ne dépend pas de nous. On ne peut jamais anticiper la réaction du public.  

Et ces tableaux, vous les avez choisis comment ? Sur la base du style, d’un thème ou en fonction de leur disponibilité ? 

On doit plutôt parler du choix des prêteurs. Je suis tombé sur des collectionneurs qui ne voulaient absolument pas nous céder leurs tableaux, ce que je comprends et respecte. La confiance, ça se mérite. D’autres, en revanche, ont eu le cœur sur la main et ont voulu participer à cette grande aventure. Un grand collectionneur était disposé à nous confier ses 80 tableaux. On s’est contenté de lui en prendre la moitié. 

Il existe combien de tableaux de Malcolm de Chazal sur le marché ? 

C’est difficile à dire. Il n’y a pas de catalogue répertorié. Avec Hélène Baligadoo, qui en a vu beaucoup, on estime qu’il doit en rester plus de 2000 à travers le monde. Mais il en a fait bien plus. Il a commencé sur le tard, en 1956, mais il n’a pas cessé jusqu’à sa mort en 1981.  

A propos de Malcolm de Chazal, Léopold Sedar Senghor disait que sa poésie était déroutante mais que sa peinture, elle, était d’une facilité déconcertante. Vous adhérez à cette contradiction ? 

Oui, on pourrait le dire. De Chazal a d’ailleurs toujours revendiqué la simplicité de sa peinture. Mais, attention, simple n’est pas le contraire de complexe, il est seulement l’opposé de compliqué. Quelque chose peut être simple et complexe. C’est le cas pour de Chazal. 

Malcolm de Chazal aux courses de chevaux du Champ de Mars. Photo Halbwachs.

Ces œuvres sont donc d’une simplicité complexe ? 

C’est ça, oui. Comme la langue créole, souvent déroutante et où un aphorisme peut vous transpercer. On retrouve ça dans les œuvres de Chazal, quand il peint avec son esprit enfantin un soulier, une théière, un bateau, tous ces objets banals du quotidien... Dans chaque phrase, chaque aphorisme, chaque métaphore mais aussi chaque tableau, on sent l’enfant qu’il a été. En ce sens, pour moi, sa peinture est très liée à son écriture.  

C’est quoi pour vous l’univers Chazalien ? 

Il est indissociable de l’île Maurice, qu’il portait dans son âme. La France, qui l’a vénéré, ne l’intéressait pas du tout. Il a dit des choses abominables sur Jean-Paul Sartre. Il était impitoyable envers l’intelligentsia française d’après-guerre. C’était un électron libre, incontrôlable, qui n’avait peur de personne. Il revendiquait sa créolité et les gens de son époque ne le comprenaient pas. 

Et si je vous demande de lui trouver un défaut ? 

Il me semble qu’il était très fier, qu’il avait une très haute idée de son génie. Parfois trop. Il était toujours tiré à quatre épingles, coiffé de son chapeau. Au point qu’on pouvait penser qu’il était hautain alors qu’il ne l’était pas…. C’était, au contraire, quelqu’un de généreux, qui a beaucoup donné de lui-même et qui aimait les gens simples.  

On dit qu’il était en permanence à la recherche du paradis perdu. C’est vrai ? 

Pour lui, Maurice était le paradis. Il disait d’ailleurs que le dodo était la colombe de l’Arche de Noé qui avait atterri ici. Comme peintre, de Chazal était positif, féérique… Ses œuvres respirent le bonheur, incarnent une vision paradisiaque de Maurice telle qu’il l’a idéalisée lui-même. 

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